samedi 29 octobre 2016

Quand l'expression métro-boulot-dodo...

... prend tout son sens...
Bilan de ma première semaine de formation au CAP Maroquinerie...
Bilan finalement positif, mais il y a eu bien des doutes au début de la semaine.
Que s'est il donc passé ? Pour commencer, des informations erronées ou tout simplement pas dites lors de la réunion d'information avant même de s'inscrire à la formation, donc des informations qui nous positionnent devant le fait accompli. Surprise et mécontentement de la part du groupe des élèves donc. 
Ensuite, les cours. Déstabilisants. C'est qu'à 40 ans ou plus, on n'a pas l'habitude d'être formés de cette façon. Ca ressemble à du Montessori pour adultes. Découvrir soi même pour avancer, avec un minimum d'appui de la formatrice. Au bout d'une journée, ça déstabilise, à la fin de la deuxième, on est frustré et on se demande ce qu'on fait là, si on a bien fait, bref, des doutes, des interrogations, des remises en question, et heureusement, beaucoup de dialogue au sein du groupe d'élèves que nous sommes.
Donc côté organisation /manque d'informations, je pense savoir ce qui pêche : les personnes qui nous recrutent pour la formation sont des commerciaux et pas des Compagnons. Ils ont un aperçu de ce qu'est le compagnonage, mais ne l'ont pas vécu. Ils nous vendent donc l'excellence de l'association, la réputation précédant les Compagnons du Devoir, on n'en cherche pas plus, on les croit. On s'inscrit et c'est parti pour un peu moins d'un an. Sauf que d'un côté, on a les adultes qui viennent se former comme on va dans une école pour y suivre des cours, et surtout comme nous l'ont vendu les commerciaux, et de l'autre, on a les Compagnons qui vont nous former à leur image, à leur façon, en accéléré certes, mais façon Compagnons Du Devoir.
Sauf qu'au final, le compagnonage ne peut pas être pour les adultes en formation continue. Pour les ados et jeunes adultes qui suivent leurs  cursus avant d'entrer entièrement dans la vie active, c'est une excellente formation. Mais pour des adultes qui effectuent une reconversion professionnelle, qui ont donc un vécu, d'autres expériences et surtout qui sont déjà "façonnés" ce n'est pas jouable. Je ne dis pas que les Compagnons ne doivent pas fournir de formation continue, mais qu'ils doivent s'adapter à cette clientèle car elle ne peut pas être formée de la même façon qu'on forme les jeunes en devenir professionnel.
Par exemple, les horaires : 8h45-18h30 quasiment tous les jours. On sait qu'on met notre vie entre parenthèse pendant cette formation. Mais lorsqu'on ajoute les transports à ces horaires, ça donne une journée, en tous cas pour moi, de 7h15 à 20h hors de chez soi pour la formation. Le fameux métro-boulot-dodo. C'est la journée type d'un élève formé aux Compagnons, sachant qu'ils ont aussi des cours le soir de 20h à 22h. Mais, ils vivent sur place. J'ai envie de dire que c'est plus simple pour eux. Et ils n'ont pas le dîner à faire pour la famille qui attend, les devoirs à vérifier, le mari à bichonner, les lessives à faire etc. 
Il nous avait été annoncé des horaires de 9h-17h, classiques. Arrive le lundi et on nous enfonce le clou au fur et à mesure que la journée avance. Ce n'est pas faute d'avoir appelé pour demander le matériel à avoir, l'organisation des journées, les horaires, tarif pour le déjeuner etc. C'est donc ce fameux lundi qu'on a eu les vraies infos et ça nous a quand même pas mal plombé.
En plus, on découvre que nous ne sommes pas une classe de 16 comme écrit sur le contrat, mais 27!!! Des adultes en formation continue comme moi, et des jeunes adultes en ce qu'ils appellent "prépa métier" qui peuvent poursuivre pour être compagnons et faire le Tour de France (je vous laisse vous renseigner sur cela, sur le site des Compagnons du Devoir). Clairement, apprendre un métier artisanal à 27 pour une seule formatrice, ce n'est pas possible! Le Prévôt (équivalent du Proviseur si on veut) voit pour qu'on scinde le groupe en 2... C'est que l'école n'a pas été prévenue du nombre exact des participants à la formation, ils découvrent comme nous, lundi, ce qu'il se passe. Vous voyez quand je vous parle d'un manque d'organisation ?
Mardi, on a vraiment commencé les cours, en atelier directement. Et là, ben, 27 ce n'est vraiment pas possible. La pédagogie des Compagnons, enfin de notre formatrice en tous cas, est basée sur l'entraide de chacun. Elle nous donne un cours, on le lit ensemble, des questions ? oui, non, ok, mettez en pratique. On se met chacun à son établit, et si un n'a pas compris, il peut toujours demander à la formatrice, mais bien souvent, il est obligé de demander à un autre élève qui pense avoir compris car 27 élèves qui vont voir la formatrice, ben ce n'est pas possible. La formatrice nous laisse trouver par nous même et si le résultat escompté n'est pas au rdv, là elle nous donne des pistes sur la posture à avoir (on est tout le temps debout, donc autant vous dire que la posture au bout d'un moment, il n'y en a plus), comment tenir son outil, etc. C'est sa façon de procéder, c'est une pédagogie comme une autre en soit. C'est juste que ça fonctionne surement avec un effectif réduit, lorsque la formatrice a le temps de passer dans les rangs, nous observer et répondre à chacun. Là, encore une fois, ce n'est pas possible à 27 ! Quand tu as passé la journée, voire 2, à galérer, que la prof n'est pas dispo pour t'expliquer les choses comme il faut parce qu'on est trop nombreux et qu'elle doit justement gérer ces choses auprès de l'administration des Compagnons pour qu'elle puisse faire son travail correctement, et nous, recevoir la formation qu'on a demandé, ben, t'as envie de hurler, pleurer, taper le premier venu et claquer la porte. Rassurez vous, je n'ai rien fait de tout ça, je me suis contenue, et j'ai discuté avec mes co-élèves (c'est le bon terme ?) de tout ça.
On a majoritairement eu le même ressenti, donc déjà, ça fait du bien de ne pas être seule dans cette galère. On a mis les choses au clair avec la formatrice et ça a fait du bien aussi d'avoir son ressenti vis à vis de tout ça.
On va essayer de faire modifier les horaires aussi car clairement, on veut bien mettre nos vies entre parenthèses par rapport à notre choix de remettre nos vies professionnelles en question, mais pas au point de ne voir nos enfants que 30 mn par jour, ne rien pouvoir gérer car on part tout est fermé, on rentre tout est fermé, bref, ne pas avoir de vie à côté, no way! 
Et surtout, il nous faut un deuxième formateur. 

Donc voilà mon ressenti de cette première semaine. A côté de toutes ces histoires administratives, et des cours frustrant, il en est quand même ressorti des choses positives : j'aime toujours autant le cuir! Le sentir, le toucher, le bruit que ça fait lorsqu'on le coupe!!! J'en ai bavé pour faire les mini gabarits (l'équivalent des patrons de couture) car il faut que ça soit aux dimensions données. Pas un demi-millimètre de différence. Et puis, il faut être à l'aise en géométrie. Quoi? Horreur!!!! Moi qui détestait ça au collège! Ben figurez vous que faire les devoirs avec mon fils m'a aidée! Comment trouver la bissectrice par exemple, ou tracer les axes de symétrie. Je vous ai perdus ? Mais non, restez! mdr!
Les gabarits ont servis à couper des petites formes de cuir pour s’entraîner... Purée, il y a des cuirs sympas, d'autres moins. Plus il est rigide et mieux c'est pour couper, mais du coup, il est aussi souvent plus épais et là, on doit y mettre autant de force que de précision. Les beaux cuirs souples, vendredi je les ai détestés! Tellement chiants à couper! Ca s'étire, ca ne garde pas la forme qu'on veut, et parfois ca se déchire carrément! grrrr! Mais j'ai vraiment aimé cette journée de coupe. Autant j'ai galéré avec les gabarits, et je n'ai pas fini avec eux puisque c'est la base de mon travail, autant, j'ai aimé couper dans du cuir et ça m'a réconciliée avec ma formation. Je me suis rappelée pourquoi j'étais là et mon optimisme est revenu. Je suis donc partie avec le sourire vendredi.
Donc je sais que je vais en baver, car c'est un travail de précision, mais le résultat de tous ces efforts vaut le coup. Avec du recul, je m'éclate quand même.

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